Digitalisez vos formations sans délai (Pédagogie, Psychologie, Digital, LMS)

Éric Pereira
L’arrivée du digital à vu celui-ci imposer sa puissance et son influence depuis quelques années dans notre société. Cette dernière est devenue celle de la connaissance, disponible, partageable, mais pas toujours très structurée. Par ailleurs, les entreprises expriment des besoins en compétences1 qui évoluent.
Cependant, beaucoup d’organismes de formation (OF) n’ont pas encore digitalisé leur offres. À ce jour un peu plus de la moitié d’entre eux proposent des formations incluant du digital et ça chute si on englobe les OF proposant des formations en multimodalités (FOAD).
Les raisons de ce constat -alarmant ?- sont en partie liés au manque de culture digitale des OF, qui rejoint par ailleurs le même manque de culture de la population Française.
Comment accélérer sa digitalisation
Être un OF, ou un formateur2 indépendant pourrait laisser à penser, un peu trop rapidement, que la digitalisation peut attendre, que les moyens nécessaires sont hors de portée, que de toute manière rien ne vaut le bon vieux présentiel transmissif et dynamique. Bien entendu cette dernière antinomie exprime la pensée mise en avant ici. Car non, le présentiel n’est pas mort, et je dirais même, bien au contraire. Reprenons les choses dans l’ordre. Un OF, ou encore un formateur, propose des formations qui se basent sur l’expérience acquise. Soit l’OF c’est spécialisé, soit il emploie des formateurs qui le sont. Spécialisés, les formateurs sont en capacité de transmettre, de transférer leurs connaissances. Et il y prennent souvent beaucoup de plaisir, et sont même parfois passionnés par ce qu’ils font. Seulement, la formation ne peut se traduire par la simple transmission, ou au transfert de connaissances. C’est bien pour l’acquisition de nouvelles compétences que les formations doivent être mises en œuvre. Or, pour qu’il y ait développement de compétences, il doit y avoir réutilisation des connaissances, savoir, savoir-faire …, dans un nouveau contexte, et l’apprenant doit être capable de généraliser celles-ci. À l’image de l’auto-école qui réalise en formation, à longueur de journées, les parcours que, potentiellement, les inspecteurs du permis de conduire pourrait décider de suivre lors de l’examen, l’apprenant est bien souvent mal outillé pour circuler dans des conditions qu’il n’a jamais rencontré. Ce dernier à bien entendu appris à conduire, au sens de manipuler son véhicule en circulation dans un environnement partagé. Mais le nombre de morts sur nos routes tend à indiquer un manque de compétences à la sortie de la formation. Il en est exactement de même dans toutes les formations pour lesquelles seuls les objectifs attendus au référentiel sont mis en priorité. Alors, on pourrait me dire qu’il n’existe rien de commun entre la formation au permis de conduire et les autres formations. Pourtant, le constat est le même. En automobile, les apprenants sont formés par un moniteur, enseignant de son statut officiel, sur les fondamentaux, on explique ce qu’est le volant, les pédales etc. Et en formation en général les même recettes sont appliquées. Et oui, quand un formateur explique à un apprenant comment mesurer le dosage de sable et du ciment en fonction du nombre de briques à poser pour réaliser un mur, la méthode est la même. Rien ne permet de dire que le mur construit ensuite le sera avec un dosage et un mélange parfait des ingrédients du ciment. En soit il n’y a rien de grave à agir ainsi. Sauf que pendant ce temps d’explications est appliquée la bonne vieille méthode issue de l’éducation Nationale. Celle-ci persiste à croire que les cerveaux de nos enfants sont vides et que les remplir est un point indispensable. Bien que certains s’élèvent contre ces méthodes, expliquant qu’un cerveau bien fait vaut mieux qu’un cerveau bien rempli. Alors, on effectue un travail, bien inutile et peu motivant pour beaucoup d’apprenants.La pédagogie, c’est beaucoup de psychologie et une dose neurosciences
Si vous souhaitez aider à ce que les cerveaux de vos apprenants soient bien fait, la pédagogie, et nos connaissances actuelles en neurosciences sont un excellent support. Mais ajouté aux possibilités offertes par le digital, l’efficacité de vos formations sur vos apprenants ne pourra pas être remise en question. Tout d’abord la pédagogie doit faire partie des outils maîtrisés par les formateurs. On ne peut pas à la fois être un excellent expert dans son domaine et ne pas tenir compte des besoins humains, des antécédents de chaque apprenant, et de l’environnement dans lequel il évolue. Ici la psychologie entre en jeux, car connaître le fonctionnement cognitif de l’adulte est indispensable pour aider à sa modification. Puisque lorsque nous formons, un des objectifs est bien l’évolution du fonctionnement cognitif, la modification des représentations, etc. Il ne s’agit de jouer aux apprentis sorcier, mais tous les pédagogues, bien que parfois en désaccord, ont compris que les fondements des apprentissages étaient liés à la psychologie cognitive. Alors pendant des années les débats ont fait rage, car il s’agissait de s’appuyer sur des constats plutôt que sur des études scientifiques. Et bien ce temps est révolu puisque les neurosciences cognitives étudiées3 nous en apprennent beaucoup … sur ce qu’on savait déjà sans pouvoir le prouver. Fort de ce constat, nous pouvons affirmer aujourd’hui que ce qui facilite les apprentissages, c’est avant tous le sens que leur donne l’apprenant. Expliquer ce que l’on peut faire ne donne pas le même sens que de le faire faire. Dans ce second cas, l’apprenant s’exprime, exprime sa capacité à réfléchir, à rechercher des solutions, à se tromper, à faire preuve de résilience en cas d’échec. Il serait possible d’allonger cette liste presque à l’infini. Alors, un moniteur qui explique à un apprenant ce qu’est un volant, une pédale d’accélérateur, un frein …, est-il en mesure d’apporter du sens à ces apprentissages du point de vue de l’apprenant ? Expliquer à un apprenant comment calculer le dosage de sable et du ciment en fonction du nombre de briques à poser pour réaliser un mur, donne t-il du sens ? Oui, s’il le fait réaliser, oui s’il le laisse se tromper, oui si l’apprenant doit construire son mur sans se tromper dans le dosage pour être certain que ce dernier ne tombe pas. Les enjeux forts et visiblement utiles pour l’apprenant génères de la motivation. Bien plus que la perspective d’avoir un jour à utiliser les connaissances qu’il est en train d’acquérir. Alors, on peut se demander à quel moment dans ces deux cas le formateur à sa place, l’a t-il vraiment dans l’apprentissage des fondamentaux cités plus haut ? L’apprenant ne peut-il pas apprendre seul ces mêmes fondamentaux ? Oui bien sûr, mais il doit malgré cela être aidé, guidé dans ces apprentissages, plus clairement dit, il doit bénéficier de rétroactions constructives, bienveillantes, afin d’effectuer les corrections nécessaires à sa compréhension. Mais alors, comment aider le formateur qui doit être présent pour effectuer ses rétroactions indispensables ? Comment limiter malgré tout sa charge de travail ?Le digital : une réponse à tous les maux pédagogiques
Le digital est la réponse adaptée à la diffusion des connaissances de bases cruciales à sa construction. Les rétroactions, appelées également feedback, peuvent être construites avec les outils digitaux. Une plateforme (LMS4) permet de générer des parcours d’apprentissages induisants des rétroactions écrites en amont de la formation pour s’adapter aux apprenants, et de manière personnalisée en respectant les règles fondamentales de la pédagogie. De fait, le formateur doit avoir construit son parcours en amont, sur la base de son expertise. Et pendant que l’apprenant apprend sur le LMS, le formateur peut se préoccuper de le corriger, avec bienveillance, en se positionnant, non plus comme celui qui sait, qui détient le savoir, ce que nous savons déjà puisqu’il à construit le parcours, mais comme un guide vers les apprentissages qu’il a bien structuré en se centrant sur les besoins de ses apprenants. Vous me direz que pendant ce temps le formateur est toujours présent, que son temps n’est pas extensible, et que s’il est en salle de formation, ou sur le terrain, c’est impossible pour lui de supporter cette charge. Mais si le formateur est en salle de formation, ce qui est bien entendu préférable pour la suite, il n’est plus, nous l’avons dit plus tôt, celui qui transmet, celui qui forme, qui enseigne. Il est désormais, aussi en salle, un guide vers les apprentissages, vers les savoirs, etc. Et ici aussi, il peut s’appuyer sur le LMS dont les ressources à disposition de ses apprenants peuvent lui permettre de leur demander la réalisation de travaux, collaboratifs, les amenants à s’organiser, en autonomie. Les apprenants apprennent l’autonomie, ils se challengent, s’organisent, construisent leurs connaissances en commun, s’adaptent aux représentations multiples, apprennent à écouter leurs pairs. Prennent le temps de la réflexion. Et pour construire cela, point n’est besoin de dépenser des sommes folles, d’exploser le budget de l’OF. Cette construction demande de la pédagogie, de la connaissance des neurosciences, et l’expertise indispensable du ou des formateurs. Et enfin un LMS, cœur de cette organisation qui vise à un développement optimal des compétences. Et, savoir guider, orienter vers les ressources utiles aux apprentissages. Ce qui sous entend qu’un document en PDF, ou un lien web vers une ressource existante, est tout à fait possible si son arrivée dans le parcours de l’apprenant à du sens. C’est-à-dire si cela lui apporte des pistes de réponses pour résoudre son problème. Cela prend peu de temps, demande juste de la volonté, et j’oserai insister, demande de se centrer sur les apprenants, les objectifs doivent être de répondre à leurs besoins car alors vous les aiderez à développer leurs compétences en leur donnant beaucoup de plaisir. Augmenté de la richesse des échanges ainsi engendrés.Digital ne veut pas dire LMS et outils coûteux
Ce qu’il faut comprendre dans le paragraphe précédent, avec l’exemple du LMS, c’est que ce dont nous avons besoin c’est d’un point central permettant l’accès aux ressources. Alors on peut croire que seul un LMS, souvent coûteux, puisse répondre à ce besoin. Or, il n’en est rien. Au début de cet article, j’ai évoqué les OF et les formateurs indépendants. Le coût d’un LMS reste relativement élevé, et son retour sur investissement peut se faire attendre longuement. Alors, d’autres solutions existe, il n’est pas utile de se diriger vers le premier éditeur venu, ou aperçu ci et là, mis en avant à grand coup de publicité. À partir d’un site web, de type WordPress par exemple, il est tout à fait possible de greffer des outils gratuits (plugin5) qui vous apporte un résultat suffisamment intéressant pour répondre à la fois aux besoins de vos apprenants, mais également aux besoins réglementaires de justification des apprentissages. Car la réglementation ne dispose pas une obligation de justifier de tous les temps passés aux apprentissages, mais bien de l’assiduité de vos apprenants dans le parcours d’apprentissage. Ce qui sous entend que c’est la justification des activités proposées, des livrables rendus …, qui sont attendus. Et de fait, nous en revenons à la pédagogie, celle que nous appliquons tous les jours, qui est le cœur de notre métier. À partir de l’expertise métier, l’ingénierie pédagogique à mettre en œuvre doit permettre de répondre à tous les besoins. Ceux de vos apprenants, et ceux liés à la réglementation. Il est donc possible de se démarquer de ses concurrents par une démarche appuyée sur la pédagogie, et tout ce qu’elle englobe. Il est possible pour tous de démarrer sa digitalisation très rapidement, et de la réussir dans des délais très court. Ne pas céder aux mirage du digital « clé en main » est une première démarche, se former à la pédagogie est la plus importante.Comment transformer ses parcours de formation
Vous avez des parcours dont l’optimisation pédagogique peut faire défaut ? Et bien, formez vous à la construction de vos parcours, revenez à l’essentiel, la source même de toute évolution, apprenez. Apprendre à digitaliser est une démarche qui demande de la volonté, une capacité à se remettre en question, à accepter de bousculer ses habitudes. Mais cela apporte tellement d’innovation qu’il est impossible de revenir en arrière ensuite. Commencer par vous dire que vos apprenants doivent d’abord apprendre à apprendre, changer leurs représentations des apprentissages. La première démarche d’un formateur est désormais axée sur ce point, et son travail est alors de guider ses apprenants afin que ces derniers puissent se construire seuls, mais avec l’aide du formateur, qui devient plus indispensable qu’il ne l’a jamais été. Désormais, le travail du formateur commence en amont de la formation. La qualité de son travail, la valeur de son expertise n’est plus de s’exprimer dans des pseudos échanges en salle ou ailleurs. Il doit mettre en avant la qualité de son expertise en la valorisant lors de la construction de ses parcours. La priorité, donner du sens aux apprentissages. Il faut motiver les apprenants à entrer dans la formation avec des aprioris positifs. Ensuite, la difficulté est de maintenir leur attention tout au long du parcours, et de leur proposer pour cela un accompagnement de qualité. Ce qui sous-entend qu’il est indispensable d’étudier le public touché par la formation, définir les critères de motivation et d’attention indispensables à maintenir. C’est donc lors de cette phase amont que le formateur devient un prescripteur en proposant des parcours adaptés et qui peuvent s’adapter au fil de la formation. Il peut alors oser se dire que ses futurs apprenants arrivent en formation avec des connaissances, parfois très fortes. Et de ses connaissances, les renforcer en leur permettant de les mettre en avant dans des échanges avec leurs pairs. Il peut imaginer des évaluations par les pairs pour mettre en valeur les expériences communes et ainsi planifier les représentation, aider à corriger les biais cognitifs dont nous souffrons tous. Pour cela son rôle sera également de proposer un diagnostic avant ou à l’entrée en formation. Une fois cela réalisé, son parcours écrit, il faut mettre à disposition des apprenants les ressources ou liens vers les ressources nécessaires. Ici, et comme dit plus tôt, pas besoin de grosse machine. Ce qui détermine l’efficacité du dispositif c’est la capacité à ce que les ressources soient facilement accessibles. Y compris hors le centre de formation, car les apprentissages doivent pouvoir être prolongés au dela des périodes de présence. La digitalisation des formations n’est donc pas une affaire d’expert uniquement. Mais bien l’affaire de tous. Celle-ci est possible à la fois rapidement avec des délais très court, mais aussi facilement avec des coûts maîtrisés. Il faut donc démarrer sa réflexion par une étude de l’existant. Car c’est un nouveau paradigme et il demande une adaptation, de nouvelles connaissances, et une base pédagogique maîtrisée. Au dela de ces éléments, votre métier ne change pas fondamentalement, vous formez des apprenants, vous utilisez vos expertises, vous réalisez ce que vous faites le mieux, souvent depuis de nombreuses années. Et je finirai par ces mots : ne cédez au sirènes du digital qui vous apporte toutes les clés sur un plateau d’argent. Ne rêvez pas, cette transformation demande malgré tout de la volonté et du travail.[1] FFP sur mandat des Ministères de l’économie et des finances et du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. La formation change de dimension : les entreprises témoignent et proposent. Livre vert – 18 novembre 2016 Disponible sur www.ffp.org
[2] Lire ici le formateur au sens d’une personne, homme ou femme, responsable de former des futurs professionnels.[3] https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/
[4] Learning management system.
[5] H5P est un exemple d’outil gratuit adapté https://h5p.org